La toxicité antibiotique, primum non nocere !
L’administration d’un antibiotique repose sur un équilibre parfois fragile entre l’efficacité attendue, sa tolérance, les risques d'effets secondaires (ex: colite à C.difficile), le risque de sélection de résistances et sa toxicité potentielle. Cet article vous propose une liste non exhaustive de toxicités antibiotiques qu’il est utile de connaître car pouvant nécessiter une adaptation ou un arrêt de traitement :
Réactions cutanées : Parmi les réactions cutanées fréquentes et leurs principaux antibiotiques inducteurs, citons l’urticaire (pénicillines, sulfamidés), l’érythème pigmenté fixe (sulfamidés, tétracyclines), la photosensibilité-réaction non-immune-(supracyclines et quinolones) ou le purpura vasculaire (pénicillines, céphalosporines, sulfamidés). Il existe néanmoins d’autres types de réactions plus sévères et pouvant engager le pronostic vital : Elles incluent le syndrome de Stevens-Johnson (péncillines, sulfamidés), la pustulose exanthématique aiguë (aminopéncillines, macrolides) ou le syndrome DRESS (sulfamidés). Ces atteintes nécessitent une prise en charge urgente et spécifique.
Toxicité hématologique : L’administration de certains antibiotiques peut être responsable d’une atteinte des 3 lignées :
-lignée érythrocytaire : La pénicilline, la pipéracilline, les inhibiteurs de béta-lactamase, les céphalosporines et les tétracyclines peuvent tous être responsables d’une anémie hémolytique auto-immune. Une anémie aplastique peut survenir après la prise de sulfamidés.
-lignée leucocytaire : citons la neutropénie auto-immune, secondaire à l’exposition à la pénicilline G, à la pipéracilline, à la ceftriaxone ou à l’imipénème.
-la lignée thrombocytaire : les pénicillines, les céphalosporines, la vancomycine ou les sulfamidés peuvent déclencher un purpura thrombocytopénique immun.
Encéphalopathies : La céphazoline, la céfépime ou l’imipénème ont tous le point commun de pouvoir favoriser l’apparition d’une encéphalopathie avec possible abaissement du seuil épileptique. Leur intervalle thérapeutique étroit doit faire l’objet, si nécessaire, d’un dosage des taux plasmatiques résiduels (TDM), visant à adapter la dose administrée.
Néphropathies : La néphrotoxicié des antibiotiques dépend de plusieurs facteurs de risques, certains liés au patient (âge, hypovolémie, diabète, …) ou liés au médicament lui-même (surdosage, voie d’administration ou combinaison avec d’autres néphrotoxiques). Si les risques de nécrose tubulaire aigüe causées par l’administration d’aminoglycosides ou de néphrites interstitielles (pénicillines, fluoroquinolones ou sulfamidés) sont bien connus, une atteinte post-rénale par formation de lithiases tubulaires obstructives secondaires à la prise d’amoxicilline (crystallurie), de co-trimoxazole ou de ciprofloxacine doit être ici signalée.
Otoxicité des aminoglycosides : Pouvant se manifester par des vertiges, un tinnitus ou une hypoaccousie, elle a pour origine une toxicité cochléaire et vestibulaire sur une nécrose irréversible des cellules ciliées cochléaires. Les facteurs de risque identifiés pour une telle atteinte sont l’âge et une durée de traitement supérieure à 5 jours.
En définitive, bien qu’essentiels, les antibiotiques ont aussi leur face obscure et leur prescription n'est jamais anodine. Il convient de rester vigilant en choisissant la molécule en fonction des facteurs de risque du patient, en adaptant les posologies, en dosant les taux plasmatiques résiduels si nécessaires et en suspectant et investiguant une possible toxicité en cas d’apparition d’effets secondaires. Primum non nocere !